La thèse sur "la transmission intergénérationnelle des traumatismes au Rwanda" a été soutenue par Marie Chantal Ingabire le 1 juin 2023, à l’université du Québec à Trois-Rivières, pour l’obtention d’un PhD en psychologie (profil recherche)

Le génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda en 1994 a couté la vie à plus d'un million de personnes et a exposé la population rwandaise à de multiples événements potentiellement traumatiques (Dyregrov et al., 2000). L’exposition à une telle violence est reliée à la psychopathologie, notamment le Trouble de Stress Post-traumatique (TSPT), à la dépression et au fonctionnement cognitif (Blanchette et al., 2019; Munyandamutsa et al., 2012). De plus, des études, principalement réalisées dans des pays occidentaux, ont montré que l’exposition aux traumatismes et le TSPT des parents sont reliés aux problèmes psychopathologiques de leurs enfants (Yehuda et al., 2008) . Toutefois, la recherche n’a pas encore examiné le lien intergénérationnel entre le TSPT des parents et les attitudes envers la réconciliation et le fonctionnement cognitif de leurs enfants. De plus, très peu d’études portant sur la transmission intergénérationnelle du trauma et ses mécanismes ont été réalisées dans le contexte des pays non-occidentaux, particulièrement africains, ayant vécu des conflits intergroupes. Les modèles théoriques et les travaux empiriques proposent que le fonctionnement cognitif et les attitudes envers la réconciliation ont des implications importantes pour la reconstruction des sociétés post-conflit. Les travaux de cette thèse visent à examiner les conséquences du génocide sur la génération de Rwandais nés après le génocide avec deux objectifs principaux. Le premier objectif est d’investiguer sur le lien entre l’exposition aux traumatismes et les symptômes du TSPT des mères et les attitudes envers la réconciliation, le fonctionnement cognitif et la psychopathologie de leurs enfants. Le deuxième objectif est d’examiner les mécanismes psychologiques et neurobiologiques qui expliqueraient la transmission intergénérationnelle des traumatismes. Des dyades mère-enfant ont été recrutées au Rwanda et ont rempli des questionnaires mesurant l’exposition aux traumatismes, les symptômes du TSPT et de dépression, les attitudes envers la réconciliation et les styles parentaux. Les participants ont également réalisé des tâches cognitives mesurant la mémoire de travail et de raisonnement abstrait et ont donné des échantillons de cortisol salivaire. Les résultats ont révélé que les symptômes du TSPT des mères étaient négativement reliés aux attitudes envers la réconciliation de leurs enfants. De plus, l’exposition aux traumatismes des mères était négativement reliée au raisonnement abstrait de leurs enfants. Toutefois, les symptômes du TSPT des mères n’étaient reliés ni à la psychopathologie ni au fonctionnement cognitif de leurs enfants. Ce dernier résultat diffère de certaines études qui ont montré un lien entre les symptômes du TSPT et les symptômes psychopathologiques de leurs enfants. Les mécanismes psychologiques liés aux styles parentaux et les mécanismes neurobiologiques liés au niveau de cortisol ne sont pas apparus comme des voies de transmission des traumatismes des mères à leurs enfants. Les travaux de cette thèse contribuent à l’avancement des connaissances en permettant d’avoir une compréhension élargie et multidimensionnelle des conséquences intergénérationnelles des traumatismes. Les résultats soulignent l’importance de la recherche portant sur les conséquences durables des violences de masse pour la guérison psychosociale, la prévention des violences et la promotion des sociétés pacifiques.