Rapport du déroulement de la conférence de KASALI Honnête à la Fondation Panzi
Mr. Honnête KASALI a présenté sa recherche "Exposition traumatique et troubles psychopathologiques dans l'explication du fonctionnement cognitif des survivantes de viol et violences sexuelles à l'Est de la République démocratique du Congo" au Conférence Scientifique ICART - Fondation Panzi.
Résumé:
En République démocratique du Congo, les guerres et les conflits armés successifs sont décriés au quotidien (Baraka Akilimali, 2018). À l’Est du pays, la situation perdure depuis plus de 30 ans maintenant. Les conséquences sont multiples, dont les viols utilisés comme arme de guerre et moyen de domination. Comme évènement traumatique, les répercussions du viol sur la santé mentale des victimes ne sont plus à démontrer (Mukwege & Nangini, 2009). Les troubles psychopathologiques ont été rapportés par les auteurs à ce sujet (Maisha, 2016 ; Mukwege & Nangini, 2009). Les études sur les effets de l’exposition traumatique en général documentent aussi des répercussions cognitives (Scott et al., 2015). Mais cela a très peu été étudié en lien avec les violences sexuelles, surtout pas à l’Est de la RDC où aucune étude sur l’impact cognitif de l’exposition traumatique en général et du viol en particulier n’est répertoriée dans la littérature actuelle. La présente étude avait pour objectif principal d'investiguer cette question auprès d'une population cible particulière, les femmes survivantes de viols à l'Est de la RDC. Dans un devis quasi expérimental à deux temps, nous avons réalisé deux expérimentations auprès de 313 participantes (T1) et 142 participantes (T2, six mois après le T1) recrutées au sein de la Fondation Panzi et dans la ville de Bukavu. Les participantes ont été soumises à l'évaluation de l'exposition traumatique, de la psychopathologie (trouble de stress posttraumatique, dépression et anxiété), ainsi que du fonctionnement cognitif (mémoire de travail, attention et inhibition). Les résultats de cette étude montrent que l'exposition traumatique impacte le fonctionnement cognitif et que le viol a un pouvoir traumatique spécifique par rapport aux autres événements traumatiques ; surtout lorsque la psychopathologie survient à la suite de l'exposition traumatique. Ce qui peut entraîner des conséquences sur le fonctionnement quotidien des femmes et pourrait être pris en compte dans les interventions. Aussi, les résultats de l’étude montrent qu’il y a eu une amélioration significative sur les symptômes psychopathologiques entre le T1 et le T2 de notre expérimentation. Ce qui a eu un effet positif sur le fonctionnement cognitif des survivantes. Néanmoins, les résultats de cette étude ne permettent pas de déterminer si cette amélioration dans la psychopathologie et le fonctionnement cognitif est fonction de la prise en charge car aucune différence significative n’a été trouvé entre les survivantes prises en charge et celles non prises en charge entre le T1 et le T2.
Biographie du conférencier:
NYANDU KASALI Honnête est psychologue clinicien, psychopathologue et politologue. Enseignant-chercheur Chef des Travaux à la Faculté des sciences psychologiques et de l’éducation de l’Université Libre des Pays des Grands Lacs (ULPGL-Goma), il est actuellement étudiant au Programme de Doctorat en Psychologie (PhD) à l’Ecole de psychologie de l’Université Laval au Canada depuis 2021.
Equipe d’encadrement:
1 Madame Isabelle Blanchette Professeure d’université Université Laval (Directrice de thèse)
2 Monsieur Serge Caparos Professeur d’université Université Paris 8 (Co-directeur de thèse)
Public visé par la présentation:
Tout chercheur ou intervenant qui s'intéresse aux conséquences psychologiques des violences sexuelles au sein de la Fondation Panzi, de l’Hôpital de Panzi, de la chaire Mukwege et du Centre d'Excellence Denis Mukwege (CEDM).
Objectif:
Partager les connaissances, discuter les résultats de cette recherche avant leur publication et envisager des nouvelles perspectives de formation, d’intervention et de recherche.
Déroulement de la conférence:
La conférence a été présidée par Madame la Directrice de l’International Center for Advanced Research and Training (ICART), Professeure Marie Hatem de l’université de Montréal. Conformément au document de présentation en annexe, le conférencier a fait un exposé d’environ 45 minutes. Il était question de présenter brièvement sont projet de recherche doctoral, les résultats préliminaires de l’analyse des données collectées à la fondation et Hôpital de Panzi en collaboration avec ICART. Puis s’en est suivi un débat nourrit entre le conférencier et les participants sous la modération de Professeure Marie Hatem pendant environ une heure. Signalons que la conférence a connu la participation de Madame Miracle Sambu Zawadi, coordonnatrice locale de l’observatoire Psycavi à Bukavu; ainsi que de Monsieur Sammuel Kasereka Musisiva, Doctorant à l’Université de Liège en séjour de recherche à l’hôpital de Panzi et collègue de service Chef de travaux avec Honnête Nyandu Kasali à l’Université Libre des Pays de Grands Lacs (ULPGL-Goma). Les autres participants étaient les psychologues, personnel de la santé et administratif de la Fondation et de l’Hôpital de Panzi, principalement membres de ICART en formation en méthodologie de la recherche.
Tous les participants avaient un intérêt particulier à la présentation. Ce qui s’est manifesté par une pluie de questions et observations dont les principales sont les suivantes :
- La précision des critères de sélection des participantes (inclusion et exclusion)
- Les biais de sélection et de catégorisation des participantes à anticiper pour ne pas influencer les résultats
- La procédure éthique
- La présentation des graphiques avec toutes les informations nécessaires pouvant faciliter la compréhension au lecteur absent de la présentation
- Décrire toutes les variables évaluées
- Présenter les analyses statistiques effectuées
- L’emploi correcte du concept « expérimentation »
- Présenter les hypothèses et les théories explicatives
- La nécessité d’inclure les filles mineures dans l’étude
- Adoucir la conclusion selon différents biais de sélection de participantes
De toutes ces questions et observations, le conférencier a fait comprendre que plusieurs éléments du protocole de recherche n’ont pas été présentés, et que certains détails ont été négligés pour faire l’économie du temps en se focalisant directement sur les résultats qui ont besoin d’être discutés avant les différentes publications. S’agissant des biais possibles, une observation claire est ressortie. Il s’agit de noter que les analyses suggèrent que les participantes qui déclarent n’avoir reçu aucune forme de prise en charge ont sensiblement amélioré en psychopathologie et en fonctionnement cognitif que celles qui ont été prise en charge entre le T1 et le T2. Cette conclusion semble logique statistiquement, mais pourrait être discutée du fait que plusieurs de participantes qui déclaraient avoir été victime de viol au temps 1 avaient déjà été déchargées de structures de prise en charge. Comme la littérature montre que les effets de la prise en charge sont soit immédiats, mais surtout différés, l’on pourrait attribuer cette amélioration aux effets de la prise en charge antérieure à notre étude, ce qui nécessite des analyses statistiques supplémentaire comme les données à ce sujet ont été collectées. La deuxième proposition jugée valable, a été celle de limiter les résultats à l’étude de l’impact psychopathologique et cognitif du viol et l’évolution dans le temps sans se prononcer sur la qualité de la prise en charge car il n’a pas été question d’une étude de cohorte.
Conclusion:
Pour clôturer la conférence, Madame la Professeure Marie Hatem a félicité le Doctorant Honnête Nyandu Kasali pour les efforts fournis afin de mener son étude jusqu’au bout. Elle l’a félicité aussi pour son ouverture d’esprit à vouloir recevoir un deuxième regard sur son étude. Elle en suite émis le vœu de voir Honnête Kasali continuer à collaborer avec ICART et contribuer à l’émergence de ce centre afin de contribuer à la valorisation de la recherche scientifique et son développement dans la région des grands lacs. De sont coté, le Doctorant Honnête Kasali a remercié la Fondation et l’Hôpital Panzi pour l’intérêt particulier qu’ils accordent à la recherche scientifique sans laquelle la pratique reste aveugle. Il a émis le souhait de voir un membre de ICART intervenir dans la rédaction des articles scientifiques issus de son projet de recherche comme co-auteur. Cette demande qui a été reçue à bras ouverts par toutes et tous les participant(e)s.
Proposition:
Organiser la même conférence à Goma pour avoir un regard critique des académiciens (enseignants-chercheurs et étudiants) et professionnels en santé mentale (psychologues et neuro-psychiatres) neutres (sans relation avec le milieu de collecte des données) ; l’objectif étant de partager les connaissances et valider ou remettre en cause notre angle d’attaque de la problématique en étude et des analyses.